La volition chez Charles Sanders Peirce

Différenciation entre volonté et volition chez CSP


 

Patrick BENAZET

Octobre 2000

Ce qui est volitif est relatif à la volonté, la volition est un acte par lequel la volonté se détermine à quelque chose. Telle est la définition lexicale de la volition. Charles Sanders Peirce a abordé ce processus en introduisant une distanciation entre volonté et volition.

Cet acte qu'est la volition est l'aboutissement d'un processus d'origine psychologique et dont le dernier instant est d'ordre musculaire. Il s'agit en fait d'une chaîne de commandes passées aux cellules nerveuses par le cerveau, transmises ensuite aux cellules musculaires sous forme de décharge (1.386).

Ainsi, si ma main serre fortement la corde que je tiens, au bout de laquelle est suspendu un paquet fragile, c'est parce que j'ai jugé qu'il y avait un risque de glissement et en conséquence j'ai serré la corde pour l'empêcher de glisser. Le sentiment de risque m'a fait serrer la corde ou plus exactement a fait que mes doigts se sont contractés pour que ma main serre la corde. Cet acte traduit-il pour autant une volonté de ma part de serrer la corde alors que je sais par ailleurs que je risque de voir ma main brûlée si je serre trop ? La volition n'est pas, selon Peirce, toujours voulue. Il avance les notions de volition active et de volition passive. La volition peut être subie. Pour reprendre l'histoire de la corde, l'acte a pour origine un sentiment, de risque. Le caractère fragile du paquet induit un risque car je le rapproche de la glissance de la corde. Il y a là cognition. Peirce définit cette circonstance par la triade sentiment-volition-cognition (1.332). Pour lui, la volition est duale. Il y a dans la volition dualité de l'agent sur le patient, de l'effort sur la résistance, de l'effort sur l'inhibition, de l'action sur l'individu et sur les objets externes : dans notre exemple, les doigts qui serrent sur la corde.

Si j'ai serré la corde sans le vouloir, c'est que la contracture musculaire de mes doigts a été commandée alors que je ne le désirais pas. Le désir implique bien une tendance à la volition mais on note que si l'homme fait ce qu'il veut, il lui arrive régulièrement de faire des choses malgré son envie. La volition aboutit alors à ce qu'un désir soit insatisfait voire contrarié. Pour autant le désir n'est pas toujours à l'origine de la volition. Il faut distinguer la volition intentionnelle, qui pourrait être l'autre terme pour désigner la volonté de la volition passive, involontaire. C'est ce que s'attache à faire Peirce en citant la différence marquée entre la contracture musculaire intentionnelle et la crispation déclenchée par une grande peur. Cependant, ces deux modes de volition doivent être classés ensemble en tant que modes de " double conscience ". Généralement, un sentiment de peine engendre une volition active alors qu'un sentiment de plaisir se traduit plutôt par une volition passive (1.333). Ainsi, la volition sans désir se produit dans la réalité et la différence entre volonté et volition est bien marquée.

A la différence de la définition lexicale relevée dans les dictionnaires, la volition serait plutôt selon Peirce un acte déclenché par le sentiment et conditionné par la cognition. On observe alors effectivement le phénomène triadique évoqué par Peirce auquel participent les trois instances sentiment-volition-cognition.